27/12/1989

Placement d'office

Au matin, dans le brouillard et le froid, une bonne dizaine de policiers en civil et les pompiers viennent me cueillir à l'hôtel sur ordre du préfet du Loiret pour n’emmener à l'hôpital psychiatrique de Fleury-Les-Aubrais.

Je suis en placement d'office.

Dominique est avec moi dans l'ambulance. qui traverse Orléans.

Dès que nous arrivons à l'hôpital, on me conduit dans une cellule d'isolement bien crado. La fenêtre ne peut pas s'ouvrir  Il y a une grille derrière les carreaux de plexiglas. Un seau hygiénique, un rouleau de  PQ et un lit.
Je ne sais pas où est passée Dominique.
On me fait mettre en pyjama et on me fait une première piqûre. 

Je m'écroule.

Quand j’émerge,  je ne sais combien de temps après,  je me traîne jusqu'à la lourde porte sur laquelle je tambourine pour avoir une cigarette.  4 gros infirmiers déboulent et me plaquent sur le lit Ils me font une nouvelle injection. 

Je m'écroule à nouveau.

4 for a shoot (Technique mixte sur toile - 2016)

Chaque fois que j'émerge un peu, le même scénario se reproduit :  je frappe à la porte de la cellule pour avoir une clope et  4 malabars déboulent pour me piquer. 

Je ne sais plus combien de fois cela s'est passé, ni quel était le produit injecté ou combien de temps a duré cet isolement.

Les jours et les nuits se succèdent.

Un matin, la porte de la chambre d'isolement est entre-ouverte.
Je me faufile. Dans une salle commune où hurle une télé, une chouette petite métisse  me tend une Camel et un briquet.

Elle s'appelle Marie. Elle est belle. Elle est espiègle.

Je kiffe  son sourire !

25/12/1989

Noël 1989 - Nucléaire et placement d'office

Même si le procès s'est bien passé, je reste fatigué. Depuis mon embauche comme responsable d'interventions dans les centrales nucléaires pour la société Merlin Gerin, il y a plus de 2 ans et demi, je n'ai pas eu de vacances. Je deviens nerveux et fume cigarette sur cigarette. Le rythme imposé par le travail est difficile à suivre. Des problèmes de déontologie et les valeurs nucléaristes opposées aux miennes me perturbent aussi. J'assume mal mon métier de " salaud du nucléaire " car les plannings de fous m'empêchent de le faire bien. 

A Noël, chez mes parents à Saint-Jean-De-Maurienne, je ne vais pas bien du tout. J'aurai plutôt besoin de vacances, pourtant, le soir même, je redescends à Grenoble.

Très tôt le lendemain matin, je prends la direction de Creil (7 heures de route) où je retrouve Dominique chez une de ses sœurs. Le jour suivant, je dois intervenir sur les onduleurs de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-Des-Eaux. Je suis vraiment très fatigué mais je tiens. Je ne sais pas comment. 

Le lendemain, après encore 3 heures de route, Dominique à mes coté, je trouve un hôtel du coté de Beaugency, tout proche de la centrale où je dois intervenir dès le lendemain. 

Dominique n'est pas habituée à ce genre de séjour et ne comprends pas tous les codes et usages des nomades du nucléaire. Notre couple est en crise et nous nous engueulons une bonne partie de la nuit dans la chambre et gênons les autres clients. 

Vers 6 heures du matin, après une mise au point avec l'hôtelier furax, je file seul dans la nuit et un bouillard épais vers la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux dans ma petite voiture blanche au logo oranges. Après un long passage au PAS (Poste avancé de sécurité) pour avoir mon badge magnétique, je rentre enfin sur le site pour voir mon client de Framatome qui tient à tous prix à me faire rentrer (sans autorisation valide) dans les locaux électriques pour me faire rencontrer le câbleur de Spi Batignolles que je dois diriger pour la modification sur les onduleurs. 

Après cette visite du futur chantier  l'organisation du planning de l'intervention et surtout une sorte d'intuition qui relève pratiquement de la vision médiumnique référant à quelque chose de cacher aux simples visiteurs de ce site, 

Je suis fort perturbé par un énorme questionnement sur la sureté et la contamination à Saint-Laurent-des-Eaux.  Quelque chose d'effrayant !


Plein de visions et de flashs très désagréables, je rentre à l'hôtel.

Je le retrouve difficilement toujours à cause du brouillard  épais (à l'époque, les GPS n'existaient pas)et je suis aussi perturbé par des visions qui commencent à me submerger.

A peine arrivé sur le parking de l'auberge, une dizaine de policiers des renseignements généraux et une équipe de pompiers me tombent dessus et m'emmènent à l'hôpital psychiatrique de Fleury-Les-Aubrais.  

Par décision du préfet du Loiret, me voilà en placement d'office.