17/10/1985

12 juin 1985 - Fin de la première hospitalisation

Extrait de mon dossier médical :

12.6.1985:
Accompagné de sa mère, il va bien, a trouvé du travail dans un bureau d'études. Il commencera à partir du 20 juin, pour l'été, devrait retourner à partir de Septembre 1985 à Georges Dumas, est toujours suivi par le Dr Chabalay.
Je revois Mr GOIRAND... le 19.6.1985.

H.AUSSEDAT

Je suis à nouveau suivi, sur Chambéry, par Hélène Aussedat.

19.6.1985
Très en forme, a arrêté le Melléril après une diminution progressive.
Il doit travailler à partir de lundi 24 comme métreur (mesure des ferrailles)
Je lui fais une prescription d'HEPTAMYL: 3 comprimés par jour

Son traitement actuel est le suivant :

- PROMOTIL : un comprimé le matin et un comprimé à midi
- LEPTICUR : un comprimé matin, un comprimé midi
- HEPTAMYL : 3 comprimés par jour
- PIPORTIL M2 + PONALIDE IM : trois ce par jour.

Prochain RV le 29 juin 1985.

H.AUSSEDAT

Il s’agit en fait d’un travail de soudeur sur aluminium à la société CLAUSER, petite entreprise sous Sous-traitante de Pechiney à St Jean de Maurienne. M. Clauser est un copain de papa. Je ne sais pas souder et encore moins l’aluminium. Il faut beaucoup d’expérience avant d’y arriver.
Finalement, je me retrouve devant une scie circulaire vétuste à débiter des plots de ferraille (pas génial avec les médicaments !) puis sur un chantier comme aide monteur me faisant insulter par les gars qui me reprochent de ne pas tenir les pièces droites malgré les boulettes de métal en fusion qui me giclent sur les bras et le visage. De plus, les pièces sont lourdes, nous travaillons dans un fort champ magnétique et je suis encore faible.  Au bout de deux jours et demi, après le repas de midi, je supplie papa de venir m’excuser auprès du contremaitre et de faire arrêter ce massacre. Mon père est un brave homme, il accepte. Nous allons voir le gars. Je démissionne donc sur le tas. Papa me ramène à la maison. Je dors pendant 2 jours.
Bonne surprise, à la fin du mois, je recevrai un petit chèque pour mes 3 jours de «boulot». 
Sympa, ce Monsieur Clauser !

Extrait de mon dossier médical :

29.6.1985
Arrive accompagné de son père. Il a dû interrompre le travail qu'il faisait car c'était un travail très fatigant pour lui, trop manuel. Il recherche actuellement du travail de plein air dans un centre de vacances (style palefrenier). Il se plaint de difficultés de concentration, de difficultés de lecture et de se sentir raide et gauche dans ses mouvements. Au niveau du traitement, le neuroleptique retard est continué. Il prendra un comprime de PROMOTIL le matin

Arrêt de Lepticur et de l'Heptamyl. Il revient le 13 juillet, vers 1O H OO.

H.AUSSEDAT


13.7.1985
Arrive accompagné de son père, habillé tout en noir avec une salopette noire, une chemise noire, une veste noire. Lorsque je lui pose la question de pourquoi il s'est habillé en deuil, il répond parce qu'il aime cet ensemble. Toujours très évasif, souriant, il semble détendu, il dit dormir trop à raison de 14 heures la nuit.
Aura sa prochaine injection retard le 25 juillet et aura 2CC au lieu de 3 CC. Renouvèlement de son ordonnance pour un mois.
PROMOTIL : 2cps par jour
PIPORTIL M 2 : 2 CC + PONALIDE tous les 15 jours.

H.AUSSEDAT


7.8.1985
Va bien, très souriant. A pris du poids, s'arrondit, présente un faciès lunaire.
Son injection est :
PIPORTIL Un CC + PONALIDE

H.AUSSEDAT

Je passe une partie du mois d’Aout avec mes parents entre St Jean de Maurienne et le lac du Monteynard où papa a un bateau. Nous faisons aussi un petit séjour en Bretagne avec papa, maman et mes deux sœurs (Combourg, Cancale, Mont St Michel ..) pour le mariage de mon oncle Pierre, le frère ainé de mon père, et de Jacqueline. Je suis gêné par rapport au reste de la famille paternelle. J’ai l’impression d’être un zombie, complètement vide d’intérêt, incapable d’exprimer mes sentiments. De m’exprimer tout court.

Mes parents, voulant me sortir de ma léthargie, me proposent de passer le BAFA (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur de centre de vacances et de loisirs). Maman a été monitrice en colonies de vacances étant jeune. Je fais ce stage début septembre mais c’est une catastrophe. Je me sens si différent des autres et je suis tellement fatigué (je fais même de l'autostop lors des jeux de piste).

Extrait de mon dossier médical :

6.9.1985
Revient d'un stage pour être moniteur de colonie de vacances. Ce stage a duré une semaine. Il a présenté des difficultés d'intégration dans ce groupe de jeunes (ils étaient environ une trentaine). Il dit avoir souffert de ne pouvoir communiquer normalement avec les autres. Il se sentait manquer de spontanéité, ne s'intéressait pas à ce qui se passait dans le groupe, les autres l'ennuyaient et lui donnaient une impression de futilité.
Actuellement, il vit chez ses parents, se lève à midi, mange légèrement et passe son temps devant la télévision. Il dit ne pas avoir d'amis par peur d'être déçu. Il n'a de goût à rien et rien ne l'intéresse. Par rapport à l'avenir, il n'a aucun projet, se laisse vivre.
Je le revois la semaine prochaine.

H.AUSSEDAT

27.9.1985
II lui semble que les trois comprimés de PROMOTIL pris augmentent son impossibilité de tenir en place mais sans lui donner plus d'initiative pour autant, ce qui l’angoisse. Je lui demande donc d'en prendre que deux comme antérieurement.
Ordonnance faite pour un mois avec :
- PIPORTIL : un CC tous les 15 jours
- PROMOTIL : 2 comprimés par jour, un le matin et un à midi.

H.AUSSEDAT


Je m’inscris à l’ANPE et y fait quelques stages de recherche d’emploi sans vraiment y croire.



2.10.1985
Ce jour, passe du Piportil M2, un CC tous les 15 jours à PIPORTIL L4 : un CC toutes les 4 semaines.
A deux fois par semaines, à raison de deux heures, il suit des cours d'informatique faits par le GRETA pour une durée de trois mois jusqu'en décembre 1985.

H.AUSSEDAT

Ce stage me plait bien. J’ai toujours aimé l’informatique même si à l’époque elle n’en est qu’à ses balbutiements.


9.10.1985
Vu ce jour. Dit avoir plus de facilités pour réfléchir. A probablement trouvé un stage d'animation dans une station de ski pour l'hiver. Ses cours d'informatique se passent bien et il se sent réceptif.

H. AUSSEDAT

Il s’agit d’un emploi d'animateur rémunéré très correctement qui me permettrait, aussi, de valider mon stage BAFA auquel j’avais pourtant eu un avis défavorable. Le responsable de l’animation des Karellis est en fait Daniel Gros, un copain théâtreux de ma sœur Sophie. Elle a joué dans sa troupe et, sympathiquement, il me pistonne un peu..

Extrait de mon dossier médical :

17.10.1985
Je le vois ce jour, il est très content car il a trouvé du travail dans la station de ski des Karellis où il sera animateur à partir du 15 décembre. C'est un travail qui consisterait dans de l'animation avec organisation de spectacles, accueil des gens et information avec un journal. Il a vu hier le responsable qui lui a expliqué en quoi consistait le travail et qui lui a laissé entendre qu'il y avait de fortes chances qu'il soit pris.
Je le revois le 30.10.1985 où il aura également son injection de neuroleptique retard.

H. AUSSEDAT

15/04/1985

15 avril 1985 - Changement d'établissement

Extrait de mon dossier médical :

15..04.1985 : Sortie
Traitement de sortie :
PIPORTIL M2 : 3CC + PONALIDE (PI le 16.4.85)
PROMOTIL : un comprimé
HALDOL 60 gouttes
LEPTICUR : 3 comprimés
HEPTAMYL : 150 gouttes

Est hospitalisé à la Clinique Georges Dumas depuis le 15/04 où il sera pris en charge par le Dr Chabalay.

Pierre-Louis avait été vu le 12/04 dans l'après-midi par le Dr Chabalay en ma présence, il a été décidé ce jour de son admission à Georges Dumas et le Dr Chabalay s'engage à le prendre en charge et à assurer son suivi.
Lettre non nécessaire, il suffira de prendre de ses nouvelles de temps en temps.

Je suis maintenant totalement imprégné par les médicaments. Hélène Aussedat m’accompagne jusqu'à la clinique Georges Dumas. Quand on se dit au revoir, j’ai envie de pleurer. (Elle aussi, je crois). Georges Dumas est une clinique psychiatrique pour étudiants, à La Tronche, à coté de Grenoble. Un chouette hôtel pour mongoles ! Plein de jeunes avec des troubles mentaux Il y a des filles complètement givrées mais pour moi, sexuellement, c’est la misère à cause des neuroleptiques. Je ne peux plus lire, malgré la rééducation ophtalmique et le port de lunettes. Je n’ai parfois plus de salive ou parfois trop, des tremblements, des impatiences, de la tachycardie, je suis toujours fatigué, déprimé, sans volonté … Je grossis à vue d’œil. J’y reste 2 mois un peu livré à moi-même. Quelques cours d’anglais (difficile quand on ne peut pas lire !). Les infirmières débarquent juste pour nous donner le traitement, même quand nous faisons la grâce matinée, à jeun donc.
Quelques entretiens bien creux avec le Dr Chabalay (que Papa appelle Armand !!!)
Sacré Papa ! Grâce à sa confrérie, à l’été, il me trouve un boulot (prétexte pour me sortir de cet endroit).

11/04/1985

Avril 1985 - Transfert

Extrait de mon dossier médical ;

11.04.1985 :

Coup de téléphone à la Clinique Georges Dumas où je joins le Dr CHABALAY.

Il accepte de voir le patient le vendredi 12 avril à 15 H pour une visite préalable afin de savoir les possibilités d'admission à Georges Dumas. Cette visite permet de savoir s'il est possible de le faire admettre à Georges Dumas. Il n'est pas question pour lui de toute manière de reprendre ses études aux Beaux Arts et compte tenu de ses ATCDS de prises de toxiques (Héroïne), il sera difficile de le faire admettre à Georges Dumas.  Cette visite est donc une prise de contact. Il nous sera donné un avis quant à son orientation.

H. AUSSEDAT





15/03/1985

Mars 1985 - Première permission

15.03.1985 Permission
17.03.1985 Retour de permission
22.03.1985 Permission
24.03.1985 Retour de permission



Je me rappelle de tous ces médicaments que je devais prendre ces weekends, et des retours angoissants et déprimants les dimanches soirs à l'hôpital.

07/03/1985

Mars 1985 - Angoisse maternelle

Extrait de mon dossier médical:

07.03.1985  Coup de téléphone de la mère : elle téléphone simplement pour nous signaler qu'elle trouve son fils mieux, qu'elle est assez contente, s'inquiète de savoir ce qu'on lui fait faire comme activité dans le service.  Elle rappellera. H. AUSSEDAT




28/02/1985

Février 1985 -Répit

Extrait de mon dossier médical


28.2.1985 :
Va mieux, plus cohérent. On lui redonne ses habits (Je me rappelle encore du bonheur ce jour là !), se sent beaucoup plus équilibré au niveau des horaires, il dit mieux se repérer dans le temps, dans l'espace, regard toujours fixe (surtout à cause des médicaments), persistance de réponses à côté, de barrages de la pensée . Il est très pris en charge par l'équipe qui lui fait faire des dictées, des opérations de calcul mental, des puzzles,  l’infirmier qui s'occupe personnellement de lui (à l'époque il y avait plus de personnel soignant et ils avaient du temps pour les malades), constate une nette amélioration dans la rapidité, dans la concentration et dans la cohérence. Par contre parle de sa mère, il dit ne pas l'avoir vue depuis un mois et pourtant l'équipe me signale qu'elle vient le voir très régulièrement.
Au niveau du bilan biologique, lorsqu'il était entré, présentait une hépatite virale de type A. On constate une diminution progressive des transaminases puisque les résultats du 7.1.1985 étaient les suivants :
- SGOT 111, 99 ; SGPT 393,55 ; gamma GT 61,82
Et les résultats du 21.1.1985 sont les suivants :
- SGOT : 58,35 ; SGPT : 236,10 ; gamma GT 63,80. (J’avais une hépatite C, je la soignerais définitivement en 2003 avec un traitement de cheval)
On redemande ce jour un bilan de contrôle.
Son traitement actuel est le suivant :
- PIPORTIL M2 : 3 CC + 
- PONALIDE : une ampoule une fois tous les 14 jours.
- PROMOTIL : 3 comprimés par jour
- HALDOL : 60 gouttes
- LEPTTCUR : 3 par jour
- HEPTAMYL : 150 gouttes.


H. AUSSEDAT

15/02/1985

Février 1985 - Ma réalité

La vie dans cet hôpital, qui sentait l'eau de Cologne à la lavande et le gant de toilette mal lavé, parfois la pisse, j'aurai presque pu l'aimer.  Ma réalité aussi. Oui, mais :



Cette chanson, je me rappelle l'avoir beaucoup écoutée et ruminée (parce que cela n'arrivait pas), lors de mon hospitalisation en 1985. Comme c'était le générique du mini-journal de Patrice DREVET





je pouvais l'écouter (au moins en partie) juste avant le repas avec mes amis les fous. Dans ce délire médicamenteux, complétement défoncé par les benzodiazépines et les neuroleptiques,  j'imaginais qu'il y avait là une sorte de message qui m'était adressée. Comme m'en adressait souvent
La télé magique

04/02/1985

Février 1985 - Traitement de cheval

Je suis hospitalisé depuis un mois à l’unité 2 de l’hôpital psychiatrique du Nivolet à Chambéry. Je suis complétement défoncé par les médicaments. Je n’ai qu’un vague souvenir de cette période.

Extrait de mon dossier médical :

04.02.1985
Plus calme, est toujours très dissocié. 
Demande ce qu'il y a au programme de la société. Celle où il n'y a que des femmes, sa grand-mère, sa mère, ses sœurs .. Il montre sa cigarette en disant que c'est sa petite sœur qui fume et qu'il ne voudrait pas qu'elle finisse comme lui. On laisse le traitement inchangé.
 
H. AUSSEDAT



le 28.02.1985 on peut lire dans mon dossier médical :



... Son traitement actuel est le suivant :

- PIPORTIL M2 : 3 cc + PONAMIDE une ampoule une fois tous les 14 jours.
- PROMOTIL : comprimés par jour
- HALDOL : 60 gouttes
- LEPTICUR : 3 par jour
- HEPTAMYL : 150 gouttes


Me voici donc, moins de 2 mois après mon internement , chargé comme une mule de divers psychotropes , neuroleptiques, antiparkinsoniens et autres correcteurs.
Heureusement , j''étais, à l'époque, de bonne constitution.

01/02/1985

Février 1985 - Mensonge maternel

Extrait de mon dossier médical :

Entretien avec la mère :

Elle semble très angoissée, discours haché, demande des nouvelles de son fils, se renseigne sur son comportement dans le service. 
Elle nous explique que pour elle les troubles remontent à Noël avec d'abord des bizarreries dans son appartement, il avait tapissé le mur de sa chambre avec des sacs de poubelle en plastique noir. 
Il n'ouvrait plus ses fenêtres et avait mis un petit spot dans sa cuisine.Se regardait dans la glace assez longtemps avec des bizarreries.

Elle a retrouvé de la cocaïne dans la chambre de son fils 

Elle dit qu'avant tout allait très bien, que peut-être elle l'a trop gâté, elle a un fils et deux filles, peut- être elle l'a plus gâté que ses filles, elle ne sait pas.

Puis, elle sort une petite liste de choses qu'elle a à nous demander, pour ses piqûres, pour le labo photo, est-ce qu'éventuellement il pourrait faire du sport, comment ça va se passer pour son travail ultérieurement.

H. AUSSEDAT

Il ne s'agissait pas du tout de sacs poubelles mais de bâches de vinyle noir que j'avais achetées à Agri-Sud-Est, un magasin de fournitures pour agriculteurs, et sur lesquelles je pouvais graffiter sans pourrir la tapisserie aux motifs kitchs et moches de la cuisine de mon appartement du 1 rue Condorcet à Grenoble. Pas de ma chambre, elle, je l'avais repeinte d'un beau blanc). Aujourd'hui cette techniques de bâche est très rependue quand on veut graffer sur châssis ou en épargnant les murs.

J'aérais tous les jours pour chasser les odeurs de peinture.

Le spot lumineux  : La lumière était un problème dans cet appartement situé au premier étage. Il n'y avait jamais de soleil et il fallait bien que je voie ce que je peignais, non ?
Oui, comme beaucoup de jeunes dandys modernes, je prenais soin de mon look et je me regardais dans le miroirs
La cocaïne était du bicarbonate de soude que j’avais eu gamin avec le jeu " Chimie 2000 ". Ma mère est même allée jusqu'à faire analyser le produit dans le laboratoire où elle travaillait mais jamais elle n'a fait de démenti aux médecins de ses propos mensongers.

En commentant ces observations, de mon dossier médical, je prends conscience que ma propre mère a été toxique à mon égard et, le pire, c'est que le Docteur Hélène Aussedat l'ait crue.

Extrait de mon dossier médical :

Entretien avec le patient :
Semble complètement retranché du monde, dira trois mots: "Je suis dans la lune. Non pas sur la lune mais juste à côté".

Il regardera fixement les images affichées dans le bureau d'un air illuminé. Semble triste.

H. AUSSEDAT



J'étais défoncé Docteur ! 
Salement défoncé par tous vos médicaments. 
Et la  cocaïne que maman a trouvé dans ma chambre ?
C'était juste du bicarbonate que j'avais eu enfant avec le jeux " Chimie 2000 " 
Juste du bicarbonate de soude que j'avais gardé dans un coin de ma chambre !  
Vous comprenez ?
Quand vous avez gobé les mensonges de maman, vous m'avez condamné à vie et, avec le docteur Jean-Paul Chabannes, fait de moi un schizophrène, un menteur et, ensuite, un toxicomane.

06/01/1985

Janvier 1985 - A l'âge de 21 ans, la psychiatrie a ruiné ma vie

Il y a quelque chose de très étonnant :

Dans mon dossier médical n'apparait pas le moment où l'on m'a donné les premiers antipsychotiques ni ce qui a motivé ce choix chez les Docteurs Hélène Aussedat et surtout Jean-Paul Chabannes qui était son chef de service.

Janvier1985

Au CHS de Bassens, Hélène Aussedat, alors jeune interne, était terrorisée par le docteur Jean-Paul Chabannes., son chef de service. En deux jours, ils avaient posé le diagnostic sans appel et cruel : schizophrénie.

Ces deux psychiatres m’appliquèrent de force le protocole médical classique : neuroleptiques et anxiolytiques. Puis, voyant qu'il ne fonctionnait pas, ou pas assez rapidement à leur gout, ils le renforcèrent en augmentant les doses et en y ajoutant d'autres molécules. Ceci eu pour effet de me plonger dans un glauque bardo psychologique, me rendant dépressif et doutant de tout, à commencer par moi-même.

En moins d'un mois, je n'étais plus rien d'autre qu'un malade mental. Le jeune artiste prometteur n'était maintenant plus qu'un zombie.

Je me rappelle très bien la première prise de neuroleptiques : Un soir, les infirmiers m'ont présenté un verre avec un liquide épais, visqueux et incolore au fond et m'ont demandé de le boire.

Quand j’ai demandé de quoi il s'agissait, on m'a répondu :

« Ça va te faire du bien.  Avale » !

J'ai refusé.

Énervés, ils m'ont menacé et ont ajouté du sirop de grenadine dans ce breuvage et redemandé de le boire.

J'étais terrorisé mais, à nouveau, j’ai refusé.

Ils étaient trois ou quatre autour de moi.

J'avais peur, je pleurais, je suppliais.

Ils sont devenus encore plus menaçants.

Alors, j'ai avalé.

Ils ont gagné.

Quelque chose en moi savait  que maintenant ma vie ne serait plus jamais celle que j'avais rêvée. En buvant ce breuvage, je fus pris d'une sensation horrible, pire que celle que j'aurai en 1992 quand on m'annoncera la mort subite de Papa. Celle d'être soudainement dépouillé d'une partie de mon être.

Quand les infirmiers m'ont administré de force la première dose de neuroleptiques, j'ai compris que je devrais faire le deuil de ma vie d'artiste, de mes envies, de mes projets et de ma liberté. 

Ce soir là, mon âme a su qu'elle était perdue. 

05/01/1985

5 janvier 1985 - Deuxième jour en HP

Extrait de mon dossier médical :

II s'agit d'un jeune homme de 21 ans, adressé au Dr Chabannes par, l’intermédiaire du Dr KORNER (il s'agissait de son médecin traitant à St Jean de Maurienne). 
C'est sa première hospitalisation en hôpital psychiatrique. 
Antécédents médicaux et chirurgicaux :
Amygdalectomie, adénoïdectomie dans l’enfance, a un pincement discale au niveau de la 5ème lombaire, varus équin à la naissance pour lequel il a eu un traitement orthopédique dont il a gardé une petite déformation (porte des semelles orthopédiques). Allergie au rhum des foins depuis 4 ans et demi, traité par homéopathie. A fait une  mononucléose infectieuse il y a un an.
Début d'une toxicomanie il y a trois, quatre ans qui a commencé par le Hachich, puis LSD, puis héroïne (avoue seulement 5 shoots à l'Héroïne  répartis en une semaine), il y a 5 mois.
Pas d'alcool, pas de cocaïne.
Antécédents familiaux : père âgé de 55 ans, profession : représentant en mécanique ; sa mère est âgée de 47 ans, elle est infirmière, il dit de sa mère qu'elle a tendance  à soigner tout le monde, ATCD de spasmophilie.
Pour son père, il dit qu'il aurait été hospitalisé à Versailles où il aurait subi des électrochocs à l'âge de 25 ans, il a également un oncle qui a fait un séjour à Bressieux
Deux sœurs, l'une âgée de 19 ans, Sophie qui est actuellement en terminale à St Jean de Maurienne, l'autre âgée de 16 ans, Christine, est en seconde. Pas d'antécédents de dépression.
Antécédents personnels et mode de vie:
Il a eu un bac C, en redoublant sa terminale, est actuellement en troisième année aux Beaux-Arts à Grenoble.
Au niveau du sport, fait de la planche à voile, du karaté, du judo, de la natation et de la marche.
Au niveau littéraire, passionné de Japon et de science-fiction.
Exempté de service militaire P2.
Pendant 1'entretien : tout d'abord se présente avec un walkman et un grand cahier de dessins qu'il commentera de façon délirante et floue. Il me montre une personne qui apparaît morcelée. Les autres dessins sont totalement incohérents, il les commente avec des thèmes mystiques, également des thèmes de science fiction et de grandeur.
Dans les dessins, il met en place des systèmes scientifiques pour faire disparaître ses parents. Il donne 1'impression de bizarrerie, il existe des barrages dans le discours, ne finit pas ses phrases, apparition de tout ou rien dans ses propos.
Il s'agit d'un premier accès qui semble à priori schizophrénique.
Au niveau de la conduite à tenir, actuellement on observe son comportement, il lui est prescrit du TRANXENE si besoin.


Il doit être revu par le Dr Chabannes.

                                               H. AUSSEDAT

Je n'ai alors plus rien d'autre pour m'exprimer que quelques feutres et les feuilles A4 que les infirmier(e)s veulent bien me concéder. 


Je produis pas mal de dessins dans ma chambre sans trop savoir vraiment ce que je fais là ni même où je suis vraiment. 

04/01/1985

4 janvier 1985 - Première hospitalisation

ADMISSION S.L – Hors secteur (extrait de mon dossier médical)
Jeune homme: de 21 ans, hospitalise par le Dr Chabannes.
A l'entretien, assez détendu, souriant.
Discours très rationalisant, désaffectivisé, difficultés à se concentrer (mais venait de recevoir une injection IM de 2 ampoules de Tranxène)
Lenteur d’idéation. Nie toute toxicomanie actuellement.
Dit avoir éprouvé un sentiment de bizarrerie lors de son séjour cher ses parents.
Pas d'antécédents médicaux particuliers en dehors d'une Mononucléose Infectieuse l'an dernier.
A  l'examen  RAS:  TA 13/7 ,   pouls 80   , Neuro :  RAS
CAT pour ce soir : Surveillance
                          
Injection prescrite par le Dr Chabannes si nécessaire.
                                              

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